Depuis qu’Emily est arrivée, une atmosphère tendue règne dans la maison. Poussy la ressent aussi car, alors qu’il se montre habituellement collant, en quête de caresses, il ne fait qu’une brève apparition, le dos rond, avant de s’enfuir.
Maxime a les traits tirés.
Line suppose que l’inquiétude a dû troubler son sommeil. En fait, depuis trois
jours, de vives douleurs lui traversent bras et jambes. Ce sont comme des
aiguilles qui s’enfoncent dans sa chair et la taraudent.
La conversation trop banale
commence à lasser Line. Elle voudrait parler mais craint de brusquer sa
petite-fille.
Emily dit alors :
« Tu sais, grand-mère, je
t’aime très fort et j’ai toujours eu confiance en toi. Je t’ai confié des
choses que tu es la seule à connaître. »
Dans le silence qui suit, Line
songe à ce jour où Emily lui a révélé être attirée par une personne, que
celle-ci soit un homme ou une femme ne lui importe guère, si elle peut
l’admirer et partager avec elle ses pensées les plus intimes, es rêves.
Cependant ce début ne présage
rien de bon.
« Je te connais assez
pour savoir que tu n’agis pas en dépit du bon sens et en oubliant les réalités.
Mais je dois te dire qu’une de tes « bonnes amies » a averti
tante Françoise en se disant scandalisée qu’une femme comme toi puisse se
laisser berner par - je cite - un bellâtre qui ne doit en vouloir qu’à son argent. »
À ces mots, les traits du
visage de Maxime se sont crispés et durcis.
« Bien sûr ma tante n’a
pas osé en parler à papa, connaissant son caractère intransigeant et
cassant. Aussi m’a-t-elle appelé pour me faire jouer ce sale rôle
d’intermédiaire. Sache qu’en ce qui me concerne, je ne vous juge pas. »
S’adressant alors à
Maxime : « Excusez ma franchise, Maxime. Je ne sais presque rien de vous mais,
connaissant grand-mère, je suis persuadée que vous n’avez pas de mauvaises
intentions. »
« Quand donc les gens se
mêleront-ils de leurs affaires ? s’exclame Line. Ah, la vie donne de rudes
leçons ! Apprendre que parmi les personnes en qui j'ai confiance, certaines parlent derrière mon dos ! Tu le sais, ma
chérie, je déteste le scandale et tout ce qui pourrait faire du mal à ceux que
j’aime. »
Livide, les traits tirés, Maxime déclare d'une voix cassée :
« Emily, j’aime
sincèrement votre grand-mère. La vie nous a rapprochés. Comme je l’aime, je ne souhaite que son bonheur. Je sais qu'il est lié à l’affection des siens. Nous avons essayé d'être discrets, je pense, mais
la méchanceté et la jalousie commencent à se déchaîner. Je ne veux pas que cela
vous éclabousse. Je viens de comprendre qu’il faut me retirer. »
Et s’adressant à Line :
« D’ailleurs, Line, tu
sais que nous n’avons pas d’avenir. Peut-être vaut-il mieux que cela s’arrête
maintenant. Je vais te faire souffrir mais tu souffrirais aussi de perdre
l’affection des tiens. Dans la vie, il n’y a que souffrances. Le seul choix qui
nous reste est celui de la dignité. »
Sur ces mots, Maxime se lève
péniblement et se dirige vers la porte d’entrée.
Line sent un cri monter du
fond de la poitrine jusqu’à la gorge. Elle s’est levée mais se sent paralysée.
Le cri reste coincé là en elle. Ses yeux se sont brouillés de larmes.
Emily comprend que ce qui se
joue à ce moment ne la concerne pas directement.
Quand Maxime referme la porte,
Line s’effondre, secouée de longs sanglots. Emily la serre tendrement et la
berce comme un enfant dont on tente d’atténuer la peine.
Poussy est revenu et se frotte
contre les jambes de sa maîtresse. Lui aussi semble vouloir lui apporter du
réconfort.
Dans la rue, sous un ciel
jaunâtre annonciateur d’orage, Maxime se sent seul et vide. Ce vide ne se
remplit plus que de la douleur physique. Il entre dans le premier café rencontré
et commande un whisky. Il va boire jusqu’à oublier sa peine et ses douleurs, du
moins l’espère-t-il.
Bonsoir José, je ne ferai pas de commentaire maintenant car il est près de minuit mais je tiens sincèrement à m'excuser : je viens de m'apercevoir que je ne t'ai laissé aucun commentaire sur ton texte précédent ; j'étais pourtant persuadée que je l'avais fait.
RépondreSupprimerPreuve que je m'intéresse à ce que tu écris, je viens de lire ton texte que je commenterai la semaine prochaine !
Amicalement, Gisèle
Bonjour José,
RépondreSupprimerTon texte se lit d'une traite, il est fluide. On admire la dignité de Maxime quand il s'efface par amour mais je suis un peu déçue qu'il finisse au bistrot. Personne n'est parfait et un moment de faiblesse lui sera pardonné.
Je pense que Emily est favorablement impressionnée aussi par son attitude de retrait. Sans doute pourra-t-on compter sur elle si jamais elle devait jouer un rôle de médiatrice plus tard.
En attendant, Line n'est pas du genre a renoncer. Elle rêve d'emmener Maxime, après l'avoir convaincu, pour une longue croisière, loin des médisants, des jaloux et des importuns. Elle rêve qu'ils y rencontrent un médecin génial qui peut apporter une aide inespérée pour prolonger la vie de Maxime dans de meilleures conditions, avec moins de souffrance et de perte d'autonomie. Elle rêve qu'elle débarque avec Maxime chez son fils, à l'étranger. Ou alors qu'il meurt au cours de la croisière seul, ou tous les deux. Il n'y a pas que le Titanic qui ai coulé.
Enfin, on s'est attaché à ce couple et on veut les conserver réunis dans la vie comme dans la mort. Enfin, "on" parle pour moi. Dire qu'il va falloir accoster, le prochain texte est déjà le sixième et dernier, à moins qu'on ait droit à un prologue. Bien à toi, Gisèle
Waouw, je me sens un peu comme le chat , qui se "casse"! Car l'ambiance n'est pas au top! mais, tu le sais maintenant, j'aime des atmosphères un peu glauques!
RépondreSupprimerLe thème que tu traites est "vrai", "vivant": çad qu'il est une réalité, et pas simple. Maladie, souffrances physiques, douleurs inhospitalières, quid de l'avenir, colères contenues, chemin de la dignité, amours, famille, jalousies....autant d'atouts avec lesquels tu joues avec habileté.
Les cafés: j'aime jouer avec ces lieux là aussi, car on peut tout inventer. L'alcool aidant, Maxime peut faire des rencontres, oser dire des "choses", voir en "faire" par exemple avec une autre femme par dépit.
Vraiment, très chouette!
Patrick
(suite ) Mais quid du rêve secret de Line? Le théâtre pourrait être un moyen de quitter cette réalité pour le moins pénible (heu...l'écriture aussi, tiens maintenant que j'y pense!). Et ensuite, dérive potentielle, Line en souffre énormément et c'est la démence qui s'installe. Le théâtre devient sa réalité! Chouette programme, non?
RépondreSupprimerBonne soirée
Patrick
Bonjour José,
RépondreSupprimerJ'apprécie beaucoup ce style , tu traites ce sujet avec délicatesse et respect. Excellent l'astuce de l'amie qui informe la tante. L'attitude de Maxime témoigne de sa noblesse de coeur.
Le rêve : puisque la médecine traditionnelle ne peux rien faire alors pourquoi pas avoir recours à l'intelligence artificiel dans le domaine médical. Tant qu'on est pas mort on est vivant et il y'a peut-être un espoir pour le bonheur ultime.
Bravo.
Merci.
Nadera
Bonjour José,
RépondreSupprimerQuel rebondissement ! Et quelle tristesse ! Maxime est en pleine crise physique, perclus de douleur, il est donc normal qu’il réagisse de manière négative, abandonne la partie parce qu’il ne se sent plus la force de lutter. Mais ce n’est peut-être qu’un épisode dans l’ensemble de l’histoire. Tu as encore trois textes à écrire.
Les réactions de tex lecteurs prouvent à suffisance que tu as réussi à créer des personnages auxquels on s’attache parce qu’ils sont crédibles, ancrés dans un contexte de réalité cohérente, même si elle est parfois déroutante.
Je trouve en effet l’intervention d’Emily plutôt maladroite et je comprends mal que Line ne lui en fasse pas reproche. .Je sais que les nouvelles générations mettent moins de gants que jadis, mais tout de même… dire devant Maxime qu’on raconte que sa grand-mère « se laisser berner par un bellâtre qui ne doit en vouloir qu’à son argent. » est à la limite de la grossièreté et en tout cas manque d’empathie, ce qui ne me semble pas en accord avec la tolérance dont elle se vante. Je pense que tu pourrais approfondir cette apparente incohérence.
Par ailleurs, à force d’insister sur les émotions négatives, tu en atténues l’impact. Le lecteur a besoin d’un espace pour ressentir lui-même les choses sans que l’auteur les lui impose. Je pense par exemple à :
« Ayant pâli, Maxime montre un teint jaunâtre. Ses douleurs reviennent encore plus fortes. Ses traits et son attitude témoignent d’une souffrance autant morale que physique. »
Le texte gagnerait en émotion s’il était plus simple, genre :
Livide, les traits tirés, Maxime déclare d‘une voix cassée…
Inutile de reparler de ses souffrances physiques qui ont déjà été évoquées.
Attention aussi aux clichés ! Je pense à « je découvre qui sont mes vrais amis ». En fait elle ne découvre pas qui sont ses « amis » – Emily ne donne pas de nom – mais seulement ce qu’on raconte sur elle et Maxime.
Un point fort de ton texte, c’est le chat. Avec lui, tu réussis à créer une ambiance sans rien expliquer. Le comportement du chat raconte et le lecteur suit.
Un avion sera au centre de ton prochain texte qui sera blanc.
Bon travail,
Liliane