vendredi 1 décembre 2023

Line chapitre 1 (José)

Que cela fait du bien de se sentir porté et massé par l’eau ! Denise, dans le couloir voisin, aligne les longueurs de bassin. Elle a toujours besoin d’aller au bout de ses forces, peut-être pour se prouver que le temps n’a pas réellement d’emprise sur elle. Moi, je n’ai rien à me prouver. Je suis juste là pour profiter du moment. J’aime alterner quelques longueurs avec du barbotage et parfois faire la planche.

Cette piscine a vraiment du charme. Les carreaux bleus du bassin, éclairés par la grande verrière qui nous surplombe, donnent l’illusion de nager dans une eau turquoise. Dommage qu’il y ait cette odeur de chlore et que ce soit si bruyant. Aux clapotis de l’eau remuée par tous ces bras et ces jambes, au bruit que font les plongeurs, s’ajoutent les cris de joie et d’excitation des enfants et des ados. Tous ces sons sont répercutés et amplifiés par les murs, le verre et l’eau. J’en ai assez. J’attends que Denise arrive à ma hauteur pour lui dire : « Moi, je sors. On se retrouve à la cafétéria ? » Question purement de principe car c’est là que nous achevons à chaque fois notre séance.

Je déguste un Picon vin blanc quand Denise me rejoint. « Et bien, tu t’y mets tôt ! me dit-elle.

- À onze heures presque trente, on a bien le droit de se faire un peu plaisir.

- Ne commence pas comme Elisabeth ! Depuis que son mari l’a quittée et que son fils est mort, elle boit beaucoup trop. L’autre jour encore je l’ai trouvée à moitié éméchée et c’était le tout début d’après-midi.

- Tu sais bien que je ne suis pas comme cela. Au départ de Georges, j’ai traversé une période difficile. Se sentir larguée pour une femme plus jeune est dur à encaisser. Alexis venait de partir pour la Nouvelle-Zélande et Françoise consacrait tout son temps et son attention à ses trois enfants, surtout que les derniers sont des faux jumeaux. Je n’ai pas baissé les bras, j’ai continué à travailler. Mon emploi de vendeuse en parfumerie m’obligeait à prendre soin de moi. Et je n’ai pas cherché dans l’alcool l’oubli ni du réconfort. »

N'ayant pas envie de continuer sur ces sujets, j’enchaîne : « Je déteste cette odeur de chlore qui colle à la peau malgré la douche. Vivement l’été ! C’était si bon de se baigner en Grèce, dans cet infini de bleu !

- Je ne sais pas si c’est parce que je ne connais que la mer du Nord mais, moi, cette piscine me convient parfaitement.

-Oh zut ! J’oubliais. Je finis vite mon verre puis j’y vais. Maxime, mon voisin, vient en début d’après-midi pour me donner un coup de main au jardin. Et je dois encore faire quelques courses. »

Rentrée à la maison, lorsque je veux déposer mes commissions à la cuisine, je m’écrie : « Mais Poussy qu’as-tu fait là ! » J’ai eu le malheur d’oublier un paquet de chips sur le plan de travail. Le chat l’a fait tomber et l'a éventré, répandant tout le contenu sur le sol.

Je mets vite au réfrigérateur tout ce qui est périssable et je commence à nettoyer lorsque retentit la sonnette.

J’ouvre et m’exclame : « Bonjour Maxime, déjà là ?

- Il est presque quatorze heures, répond-il, surpris par mon accueil.

- Excusez-moi mais je suis assez énervée. Poussy a fait des bêtises et je suis occupée à les réparer.

- Je vais vous donner un coup de main. »

En rangeant balai et aspirateur, Maxime me dit : « Je vais passer le torchon car il y a des traces de graisse sur le carrelage et vous pourriez glisser.

- Je peux le faire.

- Laissez, ce sera vite fait. »

Vers dix-sept heures, il a fini de tailler les haies. Il a même bêché une petite parcelle dans laquelle je désire faire quelques plantations. La journée est splendide, il fait chaud. Maxime a ôté sa chemise et travaille en singlet.

Quand il rentre, je lui dis : « Vous pouvez aller vous rafraîchir dans la salle de bain. Mais peut-être voudriez-vous boire d’abord quelques chose, une limonade, une bière ?

- Une bière fraîche, ce ne serait pas de refus, dit-il en s’asseyant. »

Ses bras et ses épaules sont rougis et couverts de gouttelettes de sueur.

Soudain je me surprends à être troublée par ce corps d’homme. C’est ridicule, je le sais, moi qui ai septante-quatre ans et lui qui n’en a pas quarante. Surtout ne rien en laisser paraître.

« Désolée, je n’ai pas de chips à vous offrir. C’est la faute à Poussy.

- Ne vous inquiétez pas. Je n'en raffole pas »

5 commentaires:

  1. Bonjour José,

    J'aime de plus en plus ta Line, elle sait bien gérer sa vie, ne se laisse pas morfondre par les coups durs, et a vite remis à place sa copine qui lui reproche un apéro, à l'heure de l'apéro ! Grave !

    Quant au voisin, je l'envie, un voisin aussi prévenant, serviable et beau de surcroit, que demander de plus ?

    Comment Line trouve t'elle toute son énergie pour se distraire ? Voyager en Grèce ? Faire son jardin ? Assumer le ménage ? Et ce petit quelque chose qui la remue devant la belle musculature de Maxime ? Des idées qu'elle veut oublier mais comment faire ?

    Belle écriture fluide et agréable à lire. Au plaisir de lire la suite.
    Amicalement
    Ama

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  2. Bonjour José,
    Une agréable journée aux activités qui répondent sans doute à une organisation bien rodée depuis longtemps, je présume.
    Elle est décrite avec beaucoup d'attention et de précision.
    Rien de superflu, chaque mot a son importance et sa nécessité.
    Que c'est agréable à lire et découvrir ton personnage fait qu'on a envie d'en savoir plus sur cette dame bien sage...
    Comment peut-elle vivre ces moments qui cachent certainement une fêlure secrète, un désir ou un besoin ?
    Je reviendrai pour la suite.
    Bien à toi,
    Jan.

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  3. Bonsoir José,
    J'aime bien ton texte et j'adore la piscine c'est bien écrit, cette simplicité , l'agacement de l'amie qui se permet de gâcher le petit plaisir de Line comme si elle était un modèle de vertu.
    Comment va t'elle faire pour cacher son trouble et pour combien de temps? Et Poussy va t' elle encore donner l'occasion à Maxime de venir faire le ménage( je suis branché ménage en ce moment).

    Merci.
    Nadera

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  4. Bonsoir José,
    Ton texte se lit agréablement, il est fluide et tout s'enchaîne naturellement. Comment va évoluer la relation entre Maxime et Line malgré ou compte tenu de la différence d'âge ? Comment pourrait réagir son entourage, sa fille et peut-être son fils si Line n'était pas si sage que convenu ? Une intrigue est-elle possible ?
    Je suis curieuse de découvrir la suite.
    Bien à toi, Gisèle

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  5. Bonjour José,

    Nous réserverais-tu une histoire d’amour aussi politiquement incorrecte que délicieuse ? Line est de plus en plus sympathique. Son énergie face aux difficultés qu’elle a vécues, son épicurisme, sa vision souriante de la vie donnent envie de s’en faire une amie. A ce propos le souci de Denise qui ne veut pas la voir basculer dans l’alcoolisme parce qu’elle a connu un cas de ce genre sonne très juste.
    Un point fort dans ce dialogue :
    - Je déteste cette odeur de chlore qui colle à la peau malgré la douche. Vivement l’été ! C’était si bon de se baigner en Grèce, dans cet infini de bleu !
    - Je ne sais pas si c’est parce que je ne connais que la mer du Nord mais, moi, cette piscine me convient parfaitement.
    - Oh zut ! J’oubliais.
    Line évoque des vacances agréables en Grèce, vacances que ne peut pas se permettre Denise dont la réponse souligne cette différence. Et la réaction de fuite de Line qui se rend compte qu’elle a été maladroite. En filigrane des échanges une réalité sociale qui est évoquée sans être dite.
    Tu as habilement exploité la consigne du paquet de chips dont tu as fait un élément déterminant dans la relation entre Line et Maxime
    Un point de syntaxe qui peut intéresser tout le monde :
    « Depuis que son mari l’a quittée et la mort de son fils,… »
    La construction est boiteuse : deux compléments, l’un sous forme verbale, l’autre sous forme nominale.
    Il faut soit
    « Depuis que son mari l’a quittée et que son fils est mort,… »
    soit
    « Depuis le départ son mari et la mort de son fils,… »

    Ton prochain chapitre évoquera un anniversaire et il sera mauve.
    Bon travail,
    Liliane

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